Perspectives de paix au Moyen-Orient ? En Iran et à Gaza

04.07.2025 - Regard d'expert

Quelle perspective après le cessez-le-feu entre Israël et l’Iran ?

Il convient naturellement de se féliciter de l’intervention d’un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran imposé par le président Trump, car il évite à ce stade un dangereux embrasement au Moyen-Orient. C’est – il faut le reconnaître – un succès indéniable pour l’hôte de la Maison Blanche et pour sa politique consistant à « frapper pour négocier ». Mais il y a beaucoup d’incertitudes à lever avant de pouvoir parler d’une étape majeure vers un arrangement régional.

En effet, quel est le degré de destruction du programme nucléaire iranien ? Et où se trouve le stock d’uranium enrichi à 60 % ? Seule une investigation neutre de l’AIEA permettrait de le savoir, mais Téhéran refuse de l’accorder pour maintenir – du fait de l’incertitude – ses options ouvertes. Et est-ce que la « raclée » israélo-américaine suffira pour dissuader Téhéran de poursuivre son programme nucléaire ? Ou au contraire l’Iran tirera-t-il la conclusion de cette confrontation que l’acquisition de l’arme nucléaire par des moyens dissimulés est la meilleure garantie pour préserver le régime ? Tout dépendra du résultat d’une négociation américano-iranienne, qui risque d’être extrêmement difficile.

Il est clair pour tous aujourd’hui que le président Trump a réussi à reprendre la main sur ce dossier, car il est le seul à pouvoir à la fois faire pression sur Netanyahou – étant donnée la dépendance forte d’Israël de l’assistance militaire et financière américaine – et à faire un « deal » éventuel avec le régime iranien, qui n’entend sérieusement négocier qu’avec Washington. Toutefois, l’Iran n’entend pas renoncer à l’enrichissement de l’uranium et Trump n’exclut pas de reprendre les bombardements pour imposer sa solution si la négociation n’aboutit pas …

En outre, Netanyahou a-t-il l’intention de s’arrêter là ? C’est peu probable car il rêve de « finir le travail » et de favoriser une chute du régime iranien, qui serait effectivement la garantie de sécurité la plus solide pour Israël. Il a retrouvé dans son opération militaire sur l’Iran une certaine popularité dans son pays et il faut reconnaître que tant Tsahal que le Mossad ont fait la preuve de leur efficacité. Cependant, le soutien américain a été déterminant dans le succès de cette intervention et il n’est pas certain que le président Trump se laisse entraîner par Netanyahou dans la poursuite du conflit. Les agendas politiques du président américain et du premier ministre israélien ne sont en effet pas identiques.

Trump croit aux affaires et aux « deals », avec un usage limité de la force. Il sait aussi que son opinion publique n’est pas favorable à un nouvel engagement militaire des Etats-Unis au Moyen-Orient. Il rêve par ailleurs de recevoir le prix Nobel de la paix, et le cessez-le-feu actuel entre Israël et l’Iran est son premier succès comme « faiseur de paix » (ce qui n’est pas encore le cas en Ukraine et à Gaza). Il est donc probable que le président américain tentera la voie de la négociation avec Téhéran, sans bien sûr de garantie de succès, d’autant plus que le régime iranien réprime actuellement toute opposition pour se maintenir au pouvoir malgré la déconfiture de « l’axe de la résistance » (donnant ainsi des arguments à Netanyahou).

Le président américain prend également en compte les souhaits de ses alliés du Golfe. Il sait que ces derniers sont satisfaits du reflux de l’influence iranienne au Moyen-Orient et de la réduction des capacités nucléaire et balistique de Téhéran. Mais ces pays constatent que Trump ne les a pas écoutés en donnant son feu vert à l’attaque préventive israélienne et en intervenant directement dans le conflit, alors qu’ils avaient insisté auprès de lui pour éviter précisément une confrontation dans la région, qui gêne la mise en œuvre de leurs grands projets économiques. Ils s’interrogent donc sur la fiabilité des engagements du président américain et sont par ailleurs méfiants devant l’« hubris » actuel israélien, qui s’apparente à leurs yeux à une nouvelle forme d’impérialisme dans la région.  Or les pays du Golfe sont devenus des partenaires essentiels pour Trump – ce dont témoignent les annonces de contrats mirifiques lors de sa visite en juin dans la région – et il sait que son objectif d’une normalisation entre Israël et l’Arabie Saoudite ne pourra se réaliser que s’il obtient de Tel Aviv des concessions significatives en faveur des Palestiniens. Des discussions sont certes en cours pour sortir de la crise de Gaza, mais Netanyahou acceptera-t-il de telles concessions ? Ce n’est pas du tout certain.

Il est en réalité clair qu’il existe une nouvelle donne au Moyen-Orient, qui pourrait déboucher sur un arrangement régional, que Trump dit souhaiter. Mais il y a de nombreuses incertitudes à lever : l’intransigeance de Netanyahou, la malignité du régime iranien, l’imprévisibilité de Trump, la capacité des Palestiniens à se doter d’une autorité crédible, etc.

Malheureusement, du fait de leurs divisions, les Européens sont aujourd’hui – malgré certains efforts – de simples spectateurs, alors qu’ils ont des cartes pour jouer un rôle dans la stabilisation de la région. Les Russes et les Chinois sont – il est vrai – à la même enseigne… Les véritables acteurs sont un quatuor : Trump, Netanyahou, le régime iranien et MBS. Espérons que, si la voie de la négociation finit par prédominer – ce qui n’est pas acquis – les Européens parviendront à joindre leurs voix à ce quatuor, pour faciliter les arrangements équitables et durables indispensables à la stabilité et au développement de cette région stratégique qu’est le Moyen-Orient.

Peut-on espérer une fin prochaine de la guerre à Gaza ?

On évoque actuellement des pressions fortes du président Trump pour mettre un terme rapide au conflit à Gaza. Cela est compréhensible quand on considère les points suivants :

Le président américain a réussi à imposer à Netanyahou un cessez-le-feu en Iran, montrant ainsi qu’il était parfaitement en mesure de faire pression sur Israël. On sait que Trump souhaiterait imposer sa solution par une négociation en position de force, mais il garde ouverte – sinon –  l’option d’une reprise des bombardements.

En réalité, Trump sait que son opinion publique ne veut pas d’un nouvel engagement militaire américain au Moyen-Orient ; que beaucoup de gens – y compris aux Etats-Unis – sont choqués par le carnage à Gaza ; et que les pays du Golfe entendent que des concessions significatives soient faites aux Palestiniens pour que l’Arabie Saoudite accepte de normaliser ses relations avec Israël. Or une telle normalisation – après le cessez-le-feu en Iran – donnerait du crédit à l’image de Trump « faiseur de paix », et l’on sait qu’il rêve de recevoir le prix Nobel de la paix.

Il est donc compréhensible qu’il fasse pression sur Netanyahou – mais aussi sur les Arabes – pour terminer sans délai la guerre à Gaza. La véritable question est : à quelles conditions Netanyahou l’accepterait ? Et accepterait-il la perspective d’établissement d’un Etat palestinien à qui est la condition posée par le prince héritier saoudien ?

Des discussions sont en cours à ce sujet. On parle d’une gestion temporaire de Gaza par des Etats arabes ; d’une annexion par Israël d’une partie de la Cisjordanie, mais laquelle et en échange de quoi ? ; de la formation d’une nouvelle Autorité palestinienne, mais comment ?  Par ailleurs, ce schéma entraînerait-il le départ du gouvernement israélien des ministres d’extrême droite ? Et de nouvelles élections en Israël ? Il paraît évident que ces discussions israélo-américaines sur ces points donnent lieu à des consultations en parallèle avec l’Egypte et la Jordanie, et surtout avec l’Arabie Saoudite (et sans doute avec le Qatar).

Trump et MBS sont en effet considérés comme des « deal makers », dans un esprit transactionnel. Il semble donc clair que le prince héritier saoudien, futur « Gardien des Lieux Saints » de l’Islam, souhaitera des engagements contraignants – sur la base de l’initiative arabe de paix et des résolutions pertinentes de l’ONU – comportant des étapes définies vers la constitution d’un Etat palestinien. Il acceptera sans doute des aménagements à l’initiative arabe de paix (échange de territoires, garanties de sécurité à Israël) ; mais ce ne sera pas une simple extension des accords d’Abraham, qui n’ont en réalité rien apporté aux Palestiniens.

Si les choses  peuvent être clarifiées sur les principaux éléments d’un tel « deal » – ce qui est loin d’être acquis -, il sera alors temps de reprendre l’initiative franco-saoudienne d’une conférence internationale sur la solution à deux Etats, afin d’entériner ces accords et permettre les reconnaissances réciproques.

Bertrand Besancenot
Bertrand Besancenot est Senior Advisor au sein d’ESL Rivington. Il a passé la majorité de sa carrière au Moyen-Orient en tant que diplomate français. Il est notamment nommé Ambassadeur de France au Qatar en 1998, puis Ambassadeur de France en Arabie Saoudite en 2007. En février 2017, il devient conseiller diplomatique de l’Etat puis, après l’élection d’Emmanuel Macron en tant que Président de la République, Émissaire du gouvernement du fait de ses connaissances du Moyen-Orient.