Le crépuscule d’une idylle titanesque : le divorce entre Trump et Musk

17.07.2025 - Éditorial

Dans le théâtre de la politique américaine, peu d’alliances ont suscité autant de fascination et d’instabilité que celle qui a uni Donald Trump et Elon Musk lors de la campagne présidentielle de 2024. Pourtant, tel un drame grec antique, cette relation, forgée dans l’ambition et le pragmatisme, s’est effondrée en une confrontation publique d’une ampleur colossale. En mai et juin 2025, la rupture entre ces deux titans a marqué un tournant décisif, non seulement pour leurs trajectoires personnelles, mais aussi pour l’orientation des États-Unis et la stabilité mondiale. Depuis lors, les événements se sont accélérés, culminant avec l’annonce, le 5 juillet 2025, de la création par Elon Musk du « America Party », un nouveau parti politique qui menace de fragmenter davantage le paysage républicain. Cet article, actualisé au 17 juillet 2025, dissèque les causes, les dynamiques et les conséquences de ce divorce politique, avec un regard critique intransigeant sur le terrorisme – condamnant fermement les groupes comme le Hamas, le Hezbollah, l’Iran et les Houthis, qui exploitent toute faille dans l’ordre mondial pour semer la mort et la destruction, comme l’a analysé le think tank américain Brookings Institution dans son rapport du 10 juillet 2025 sur les menaces asymétriques – et une perspective équilibrée, exempte d’extrémismes idéologiques.

I. Un choc de titans : l’inéluctabilité du conflit

La collision entre Trump et Musk, loin d’être une surprise, était un dénouement prévisible. Deux personnalités d’une ambition démesurée, aux egos frôlant la mégalomanie, étaient condamnées à s’affronter dans une arène où un seul peut régner. Comme l’avait anticipé l’économiste français Thomas Piketty dans une analyse pour Le Monde en 2024, l’intensité de leurs caractères, initialement complémentaire, ne pouvait résister à la première épreuve du feu. Trump, un leader exigeant une loyauté absolue, et Musk, un visionnaire incapable de tolérer ce qu’il perçoit comme de l’irrationalité, ont trouvé leur point de rupture dans la « Grande et Belle Loi », le projet fiscal de Trump que Musk a qualifié d’« abomination répugnante ». Cette législation, mêlant baisses d’impôts et augmentation des dépenses publiques, défie la logique budgétaire que Musk défendait en tant que chef du Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE). Pour un homme de son calibre intellectuel, garder le silence face à ce qu’il considère comme une absurdité économique était tout simplement inconcevable.

Le précédent historique de cette erreur n’est pas anodin. Rappelons le mandat éphémère de Liz Truss comme Première ministre britannique, dont le chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng, a déclenché une crise financière en 2022 avec une politique fiscale téméraire. En à peine une semaine, la livre sterling a connu une chute historique, et Kwarteng est devenu le ministre le plus bref de l’histoire du Royaume-Uni, comme le relate The Economist dans son édition du 14 octobre 2022. La leçon est limpide : un déficit incontrôlé est un poison pour la confiance des marchés. Musk, conscient de ce risque, non seulement s’est opposé à Trump, mais a escaladé son défi à des niveaux inédits, des menaces financières à un appel insolite à l’impeachment. Ce affrontement, bien au-delà d’un simple désaccord, révèle des tensions profondes sur le pouvoir, l’influence et la direction des États-Unis.

II. La genèse de la rupture : le DOGE et la réforme fiscale

La relation entre Trump et Musk a fleuri durant la campagne de 2024, lorsque l’entrepreneur a investi près de 300 millions de dollars en soutien aux républicains, se consolidant comme un pilier de la victoire électorale de Trump. Nommé chef du DOGE, une entité créée pour tailler dans les dépenses publiques, Musk a eu un accès sans précédent à la bureaucratie fédérale, implémentant des coupes de 175 milliards de dollars, selon The Washington Post du 15 avril 2025. Cependant, la lune de miel s’est terminée abruptement en mai 2025, quand Musk a quitté son poste, incapable de réconcilier sa vision d’austérité avec la réforme fiscale de Trump.

La « Grande et Belle Loi », qui prolonge les baisses d’impôts de 2017 et accroît les dépenses en défense et en déportations, ajouterait 3,8 billions de dollars au déficit fédéral d’ici 2034, d’après le Bureau du Budget du Congrès (CBO) cité par Reuters le 20 mai 2025. Musk, allié à des sénateurs fiscalement conservateurs comme Rand Paul, a dénoncé cette législation comme un désastre économique, la comparant au fiasco de Truss. Son opposition n’était pas seulement idéologique : l’élimination de crédits d’impôts allant jusqu’à 7 500 dollars pour les véhicules électriques, pilier du modèle d’affaires de Tesla, l’a affecté directement. Bien qu’il ait exprimé sa disposition à accepter ce recul si les subventions au pétrole étaient également supprimées, sa critique du reste du projet comme une « montagne de dépenses répugnantes » a marqué le début d’une guerre sans merci.

III. Impact sur les entreprises de Musk : Tesla, SpaceX et Starlink sous pression

Le conflit a eu un effet dévastateur sur Tesla, joyau de la couronne de Musk. Le 5 juin 2025, les actions de la société ont chuté de 14,3 %, perdant 152 milliards de dollars en valeur de marché en une seule journée, selon des données financières rapportées par Reuters le 6 juin 2025. Le prix par action est tombé de 332,05 dollars à 284,68 dollars, un coup déclenché par les menaces de Trump d’annuler des contrats gouvernementaux et des subventions pour les entreprises de Musk. Cette chute, la plus importante de l’histoire de Tesla, s’ajoute à une perte cumulée de 50 % en 2025, les actions étant loin de leur pic de 488,54 dollars en 2024. La polarisation politique, alimentée par l’association de Musk à Trump, a aliéné les consommateurs démocrates, comme l’indique une étude de la Northeastern University publiée en mai 2025. Les protestations du mouvement « Tesla Takedown », qualifiées de « terrorisme domestique » par le FBI, ont terni l’image de la marque, tandis que les tarifs globaux de Trump et l’élimination des crédits fiscaux ont réduit ses marges dans un marché concurrentiel.

SpaceX et sa filiale Starlink, piliers de l’empire de Musk, font face à des turbulences significatives. SpaceX, principal contractant de la NASA et du Département de la Défense, avec des contrats évalués à 14 milliards de dollars pour des missions comme le programme Artemis et le lancement de satellites militaires, selon Bloomberg du 10 juin 2025, est menacée par les déclarations de Trump d’annuler des accords gouvernementaux. Starlink, qui fournit un internet satellitaire à plus de 4 millions d’utilisateurs mondiaux et est crucial pour des opérations militaires en Ukraine et d’autres conflits, pourrait perdre des contrats stratégiques avec le Pentagone, estimés à 1,8 milliard de dollars annuels. L’incertitude générée par ces menaces a érodé la confiance des partenaires et investisseurs, affectant la valorisation privée de SpaceX, autour de 200 milliards de dollars. Les plans ambitieux de Musk, comme la colonisation de Mars et l’expansion de Starlink dans les régions à faible revenu, risquent d’être compromis si le gouvernement américain, son principal client, réduit son soutien. Bien que SpaceX et Starlink ne soient pas cotés en bourse, leur dépendance aux contrats fédéraux et la perception d’instabilité dans le leadership de Musk les rendent vulnérables à cette guerre personnelle.

La dépendance de Tesla, SpaceX et Starlink à l’image de Musk comme moteur de confiance s’est révélée être leur talon d’Achille. Son incursion en politique, bien qu’audacieuse, a transformé ces entreprises en symboles de la polarisation américaine, les démocrates s’en éloignant tandis que les républicains offrent un soutien tiède. La valeur de marché de Tesla, encore substantielle à 1,15 billion de dollars, et la résilience de SpaceX et Starlink reflètent leur force, mais aussi leur exposition aux caprices de cette dispute.

IV. L’offensive de Musk : financement et défi politique

Musk ne s’est pas contenté de critiquer Trump ; il a lancé une offensive politique sans précédent. Le 3 juin 2025, il a annoncé sur X son intention de financer des candidats républicains opposés au projet fiscal de Trump lors des primaires de 2026. Avec un historique de dépenses politiques de 300 millions de dollars en 2024, dont 20 millions via son super PAC America PAC, Musk dispose des ressources pour altérer l’équilibre de pouvoir au sein du Parti républicain. Ses commentaires ont amplifié les critiques de sénateurs comme Rand Paul et Mike Lee, compliquant l’approbation de la réforme fiscale au Sénat, où la majorité républicaine de 53 sièges est fragile.

Le 5 juillet 2025, Musk a escaladé son défi en annonçant la création du « America Party », un nouveau parti politique censé représenter « 80 % du centre », comme rapporté par Reuters le 6 juillet 2025. Cette initiative, qualifiée de « ridicule » par Trump lors d’une déclaration le 7 juillet, selon PBS NewsHour, vise à fragmenter le vote républicain et à promouvoir une plateforme centriste axée sur l’efficacité budgétaire et l’innovation. Bien que confronté à des obstacles légaux pour figurer sur les bulletins de vote – comme l’a analysé Spectrum News le 16 juillet 2025 pour l’État de New York –, ce parti marque une audace qui reflète la volonté de Musk d’utiliser sa fortune comme arme. Son focus sur le déficit résonne avec une faction du parti, mais son passage d’allié à adversaire de Trump pourrait limiter son influence à long terme.

V. L’appel à l’impeachment : un geste téméraire

Le moment le plus explosif de la dispute est survenu le 5 juin 2025, quand Musk a soutenu sur X un appel à l’impeachment de Trump, proposant son remplacement par le vice-président JD Vance. Ce geste, accompagné d’accusations selon lesquelles Trump figurerait dans les « dossiers Epstein » et que ses tarifs causeraient une récession, a marqué un point de non-retour, comme le détaille Forbes dans son timeline du 7 juillet 2025. Bien que l’impeachment soit inviable avec le contrôle républicain du Congrès, la déclaration de Musk a renforcé son image de figure imprévisible.

Trump a minimisé l’impact, affirmant que Musk était furieux de son « renvoi » du DOGE et de la perte de subventions pour Tesla. Cependant, des alliés comme Steve Bannon ont appelé à des enquêtes contre Musk et à l’annulation de ses contrats, intensifiant l’hostilité, selon AP News du 1er juillet 2025. Cet épisode non seulement a endommagé la crédibilité de Musk parmi les républicains, mais a aussi alimenté la perception que ses entreprises sont piégées dans ses vendettas personnelles.

VI. La guerre numérique : invectives sur X et Truth Social

La dispute s’est muée en un spectacle public sur les réseaux sociaux, avec X et Truth Social comme champs de bataille. Musk a accusé Trump de mentir sur le projet fiscal, affirmant qu’il « ne lui avait jamais été montré », et l’a tenu responsable d’une opacité législative. Dans un coup personnel, il a insinué que Trump protégeait les « dossiers Epstein » pour se cacher, une allégation sans preuve qui a nourri la désinformation, comme l’a critiqué The New York Times le 13 juin 2025. Il a aussi attaqué l’assesseur commercial de Trump, Peter Navarro, le qualifiant d’« imbécile » et de « plus stupide qu’un sac de briques ».

Trump, de son côté, a exprimé sa déception lors d’une conférence de presse, suggérant que Musk « était devenu fou » après sa sortie du DOGE et que son opposition était motivée par la perte de subventions pour Tesla. Sur Truth Social, il a menacé d’annuler les contrats de Musk, affirmant que cela économiserait « des milliards de dollars ». L’intensité de cette guerre numérique, avec Musk répondant en temps réel à Trump le 5 juin, a attiré des commentaires de figures comme Kanye West et Laura Loomer, transformant le conflit en un cirque médiatique. Cette dynamique souligne le pouvoir des réseaux sociaux à amplifier la polarisation. En tant que propriétaire de X, Musk porte une responsabilité particulière dans la modération des contenus néfastes, un défi qu’il n’a pas encore relevé avec sérieux.

VII. Implications : un pays fracturé, un monde en alerte

Le divorce entre Trump et Musk a des conséquences qui transcendent leurs egos. Pour Tesla, SpaceX et Starlink, la chute des cours, l’incertitude contractuelle et les risques stratégiques limitent leur marge de manœuvre dans des marchés compétitifs. Pour le Parti républicain, les menaces de Musk de financer des opposants à Trump et la création du « America Party » aggravent les divisions internes, affaiblissant l’agenda législatif de l’administration.

Sur le plan politique, la guerre d’insultes et les accusations infondées, comme la référence à Epstein, contribuent à la désinformation et à la polarisation, un terreau fertile que des acteurs externes – y compris des groupes terroristes parrainés par l’Iran comme le Hezbollah et les Houthis, ou encore le Hamas – pourraient exploiter pour semer le chaos. Cet analyse condamne avec la plus grande fermeté toute action qui, même indirectement, renforce ces menaces odieuses, et exhorte les deux leaders à agir avec responsabilité, comme l’a souligné l’analyste géopolitique français Dominique Moïsi dans une tribune pour Le Figaro le 10 juillet 2025, en s’appuyant sur des rapports du Council on Foreign Relations.

À l’échelle globale, la dispute reflète les risques d’un leadership personnaliste dans un monde volatile. Les politiques de Trump, comme les tarifs critiqués par Musk, ont généré des tensions avec alliés et adversaires, créant une instabilité qui pourrait bénéficier à des régimes hostiles. L’incapacité de Trump et Musk à réconcilier leurs visions met en évidence les limites de leur alliance et les défis de gouverner en une ère de fractures.

VIII. Conclusion : la fin d’une ère

Le divorce entre Donald Trump et Elon Musk n’est pas seulement la fin d’une alliance ; c’est un symptôme des tensions qui définissent la politique contemporaine. La chute de 14,3 % de Tesla, les menaces de Musk de financer des opposants à Trump, son soutien à l’impeachment, la création du « America Party » et la guerre d’insultes sur les réseaux sociaux ont transformé un désaccord politique en une crise d’envergure épique. Dans un pays polarisé et un monde au bord du chaos, les deux leaders font face au défi de transcender leurs egos et d’assumer la responsabilité de leurs actes. L’histoire, implacable, jugera si cet affrontement n’était qu’un spectacle éphémère ou le prélude à une transformation plus profonde.

Gustavo de Arístegui
Homme politique et diplomate espagnol, Gustavo de Arístegui est diplômé de l'Université pontificale de Comillas (ICADE) à Madrid. Il a d’abord exercé le droit (1987-1989), se spécialisant sur les questions d’immigration. Il a ensuite poursuivi une carrière diplomatique dès janvier 1990. D’abord comme chef de service au sein de la Direction générale de la politique étrangère pour l’Europe, puis comme directeur du Proche-Orient à la Direction générale adjointe pour le Moyen-Orient, où il notamment chargé du suivi de la guerre du Golfe. Après avoir été coordinateur des sanctions contre l’Irak en octobre 1990 à l’OCDE, il est affecté en avril 1991 à l’ambassade d’Espagne en Libye puis en Jordanie en 1993. Il est ambassadeur d’Espagne en Inde à partir de 2012. Entre 1996 et 2008, il poursuit une carrière politique, comme Directeur Général du Cabinet du ministre de l’Intérieur (1996-2000), puis comme député pour le Parti Populaire espagnol (2000-2008).