La situation au Moyen Orient est actuellement très difficile et pleine d’incertitude : le Premier ministre israélien poursuit sa politique de fuite en avant dans la région, le Président Trump donne le sentiment de le laisser faire, les négociations américano-iraniennes sont dans l’impasse, les pays arabes paraissent peu actifs face au carnage à Gaza, et les situations tant au Liban qu’en Syrie sont fragiles. On voit donc mal la lumière au bout du tunnel et on ne peut pas exclure une reprise de la confrontation.
Dans ce contexte peu favorable, l’initiative franco-saoudienne sur la solution à deux Etats reste un élément d’espoir pour tenter de sortir de la crise actuelle, malgré la difficulté évidente de l’exercice. Pourquoi ?
L’annonce par le Président de la République que la France reconnaitrait un Etat palestinien lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies redonne de la crédibilité à notre diplomatie dans la région et crée une dynamique nouvelle. En effet, notre position face au drame humanitaire à Gaza était mal comprise et perçue comme de la tergiversation ; alors que la France a toujours été en faveur de la solution à deux Etats – conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies – et que la visite à El Arich du Président de la République avait manifesté la préoccupation française devant ce drame. Désormais les choses sont claires : la France s’engage, de concert notamment avec l’Arabie Saoudite, dans la recherche d’un règlement durable et équitable de la question palestinienne. Cela signifie qu’il faut sans délai arrêter la guerre et libérer les otages israéliens, mais aussi qu’il convient de créer enfin les conditions d’une coexistence pacifique des peuples israélien et palestinien. Après le pogrom du 7 octobre, la solution passe par des garanties de sécurité pour Israël, mais il faut également rendre justice au peuple palestinien en reconnaissant son droit à l’auto-détermination : c’est la meilleure garantie de sécurité pour Israël !
La prochaine reconnaissance par la France d’un Etat palestinien est un geste fort qui devrait entrainer notamment d’autres Etats européens à en faire autant. Il est en effet important de créer une dynamique montrant que la solution à deux Etats est non seulement possible mais indispensable pour – en même temps – mettre un terme à une injustice inacceptable envers le peuple palestinien et permettre la reconnaissance par les pays du monde arabo-musulman de l’Etat d’Israël.
L’initiative franco-saoudienne sur la solution à deux Etats est de ce point de vue significative. Elle montrera la quasi-unanimité de la communauté internationale pour reconnaitre un Etat palestinien. Par ailleurs, l’Arabie Saoudite est un acteur majeur au Moyen Orient et le président Trump considère que la reconnaissance par Riyad d’Israël est une priorité pour la diplomatie américaine, qui souhaite créer une coalition entre les Etats du Golfe et Israël pour contenir les ambitions iraniennes. Mais le prince héritier saoudien est clair sur le fait qu’un tel mouvement ne pourra intervenir que dans le cadre d’un processus contraignant vers la création d’un Etat palestinien. Naturellement, la définition des modalités et des étapes de la mise en œuvre de la solution à deux Etats ne sera pas aisée, mais il faut enfin créer une perspective de paix et de coopération entre Israël et ses voisins arabes pour stabiliser le Moyen Orient.
Certes, le gouvernement de M.Netanyahou a réagi très négativement à l’annonce française d’une prochaine reconnaissance d’un Etat palestinien. Cela était prévisible quand on connait le refus de ce gouvernement de reconnaître une identité palestinienne. Mais ce gouvernement ou son successeur devrait normalement tenir compte des desiderata des Etats-Unis dont Israël dépend très largement sur les plans militaire et financier. Or le président Trump, dont la diplomatie n’a pas connu de grands succès sur les conflits majeurs dans le monde (Ukraine et Moyen Orient), souhaite ardemment obtenir le prix Nobel de la Paix mais aussi des contrats juteux dans le Golfe pour les sociétés américaines et son groupe familial. Il est donc possible qu’à un certain stade il soit amené à faire des pressions sur Israël pour parvenir à ses objectifs. Par ailleurs, ce serait l’intérêt-même d’Israël de s’intégrer vraiment dans la région alors que l’hubris actuel de M.Netanyahou inquiète ses voisins.
A ce stade la position du président Trump ne paraît pas encore clairement définie, même s’il y a eu récemment une réunion dans le Bureau ovale de la Maison Blanche consacrée à l’avenir de la bande de Gaza, dont on ne connaît cependant pas vraiment les conclusions. De son côté, l’Egypte a commencé à former plusieurs centaines de Palestiniens – loyaux à l’Autorité palestinienne – pour constituer une force de 10.000 hommes chargés d’assurer la sécurité de l’enclave après la guerre. Quant aux Européens, leur position n’est pas unifiée, mais face au drame humanitaire de Gaza, certains pays préconisent un accroissement de la pression sur le gouvernement israélien : suspendre le chapitre commercial de l’accord d’association UE-Israël, sanctionner certains ministres et colons impliqués dans les violences en Cisjordanie…
Bref, les consultations menant à la prochaine Assemblée Générale des Nations Unies à New York devraient clarifier les positions des uns et des autres, en espérant qu’une nouvelle confrontation dans la région ne viendra pas perturber ces efforts. Mais il est clair que si le positionnement du président Trump sera déterminant, l’initiative franco-saoudienne a le mérite de rappeler l’importance de trouver un règlement durable et équitable de la question palestinienne dans le cadre de la solution à deux Etats, sans laquelle il n’y aura pas de vraie stabilisation au Moyen Orient.