Comme attendu, et comme nous l’avions annoncé dès le mois de juillet, François Bayrou a préféré tirer sa révérence avant l’examen d’un budget perdu d’avance. C’est en effet un cuisant désaveu qu’a subi le maire de Pau, lundi, lors du vote de confiance (364 voix contre, 194 pour).
Cette fois-ci, une fois le couperet tombé, le Président de la République n’a pas tergiversé ; ce sera donc Sébastien Lecornu. Une décision attendue, dans la mesure où il devait déjà être nommé, en décembre dernier, avant que François Bayrou ne pèse de tout son poids pour lui ravir le poste. Elle a tout de même pris de court tous ses collègues du Gouvernement, qui s’attendaient à une nomination un peu plus tardive.
À la différence de ses prédécesseurs, l’homme entretient une relation quasi symbiotique avec l’Élysée, noué au fil du temps depuis 2017. À l’heure de l’impérieuse nécessité de nouer des compromis, le choix d’un fidèle parmi les fidèles a pourtant de quoi étonner, tant cela expose le Président de la République en premier chef.
De la posture de « collaborateur », Sébastien Lecornu devra endosser celle du « négociateur ». Quitte à parfois mettre en scène de « vraies fausses » divergences avec le Président.
Mais il est aussi un homme de dialogue, fort d’une expérience (déjà) riche d’élu de terrain et de ministre. Malgré des « coups » politiques notables, comme lorsqu’il décide de lâcher François Fillon pour Emmanuel Macron en plein campagne présidentielle 2017, Sébastien Lecornu n’a jamais cristallisé la haine auprès de ses adversaires politiques. Tous reconnaissent une personnalité besogneuse et moins enclin à s’exposer à la lumière que certains de ses pairs.
Il a su, par le passé, former une majorité composite derrière lui au sein du Conseil départemental de l’Eure, négocier la fermeture de Fessenheim en 2018 et sortir le Président de la République de l’ornière des « Gilets jaunes », avec le grand débat national de 2019.
Sur le parvis de Matignon, sa prise de parole fut brève. Promettant la « rupture », le nouveau Premier ministre se sait attendu au tournant, alors que les textes budgétaires devront atterrir d’ici la mi-octobre sur le bureau des députés.
Il faudra faire preuve d’habileté pour conserver la stabilité du « socle commun » tout en accordant des concessions à gauche, voire à l’extrême droite. Coincé entre des socialistes, qui espèrent bien liquider l’héritage politique d’Emmanuel Macron et faire adopter la taxe Zucman et un RN qui poussera jusqu’au bout pour des présidentielles anticipées, Sébastien Lecornu se trouve face à une toute petite lucarne. Peut-être va-t-il parvenir à transformer l’essai, pour sortir la France du marasme institutionnel et éviter une crise politique totale.
Quoiqu’il en soit, il faudra être patient avant de connaître les visages de ce nouveau Gouvernement ; Lecornu a précisé, y compris auprès de ses proches, que rien ne filtrerait sur sa composition avant la fin des accords sur le budget.