Le gouvernement français adopte une posture paradoxale en matière de souveraineté numérique. D’un côté, il impose aux start-ups françaises d’utiliser des solutions logicielles nationales. De l’autre, il confie la gestion de ses données de santé à Microsoft et accueille avec enthousiasme des investissements étrangers qui profitent principalement à des entreprises américaines.
Le Health Data Hub : Une dépendance critiquée
La décision d’héberger le Health Data Hub (HDH) sur l’infrastructure cloud de Microsoft a suscité de vives critiques. En cause : le risque que les données de santé des Français soient soumises au droit américain via le Cloud Act, qui permet aux autorités américaines d’accéder aux données hébergées par des entreprises de leur pays. Bien que des discussions aient eu lieu pour rapatrier ces données vers des infrastructures européennes, cette affaire met en lumière une dépendance technologique difficile à briser.
L’obligation d’utiliser des logiciels français pour les start-ups
À l’inverse, les start-ups françaises se voient très fortement recommander l’usage de solutions logicielles nationales, parfois moins compétitives. Par exemple, depuis 2018, les logiciels de caisse doivent être certifiés conformes aux exigences françaises en matière de sécurisation et d’inaltérabilité des données. De même, les appels d’offres publics privilégient les acteurs français, notamment dans le cadre du programme France 2030, qui mobilise 550 millions d’euros pour soutenir les PME innovantes et start-ups industrielles.
Cette volonté de soutenir l’écosystème numérique français est louable. Mais elle se heurte à une incohérence majeure : les entreprises françaises doivent se conformer à ces règles, tandis que l’État lui-même n’hésite pas à faire appel à des géants américains lorsqu’il s’agit de gérer des infrastructures critiques.
Les data centers des Émirats : Un cadeau aux États-Unis ?
Dernier exemple en date : l’annonce par les Émirats arabes unis d’un investissement de 30 milliards d’euros dans un méga centre de données en France. Présenté comme une opportunité exceptionnelle pour la souveraineté numérique du pays, ce projet pourrait, en réalité, bénéficier avant tout aux États-Unis.
En effet, pour fonctionner, ce centre devra s’équiper de centaines de puces Nvidia, dont le coût se chiffre en milliards. Or, Nvidia est une entreprise américaine. Concrètement, cela signifie que l’investissement annoncé par les Émirats revient en grande partie à financer l’industrie des semi-conducteurs aux États-Unis.
Si la France fournit le terrain, l’infrastructure et peut-être même des avantages fiscaux, que restera-t-il pour l’économie nationale ? Au-delà de quelques emplois créés, l’impact réel de cet investissement semble bien mince.
Souveraineté numérique : Une priorité réelle ou un double discours ?
Face à ces contradictions, une question se pose : la souveraineté numérique de la France est-elle une priorité réelle ou un simple argument de communication ?
Si l’État souhaite réellement protéger ses données sensibles et favoriser ses entreprises, il devrait éviter de dépendre de Microsoft pour ses infrastructures critiques et imposer aux grandes entreprises étrangères les mêmes contraintes que celles qu’il impose aux start-ups françaises.
Enfin, espérons au moins que, pour attirer les Émirats, la France n’a pas négocié des tarifs préférentiels sur l’électricité, au risque de subventionner un projet qui profiterait avant tout à d’autres.